Homélies du 5ème dimanche

HOMÉLIE POUR LE 5ème DIMANCHE DE CARÊME  – 29 mars 2020   LAZARE

Père Christian LAGARDE

Frères et sœurs en Jésus-Christ, voici venu le dernier dimanche avant la grande Semaine Sainte,  où notre Mère, la sainte Église, nous fait lire le récit de la résurrection de Lazare, dans l’Évangile selon saint Jean (11, 1-45).

Lazare était l’un des grands amis de Jésus, c’était un homme très influent et respecté de tous, qui vivait à Béthanie, tout proche de Jérusalem. Jésus venait souvent chez Lazare, avec ses apôtre et ses disciples.

Et voici que Lazare tombe gravement malade ! Ses sœurs, Marthe et Marie, le soignent. Et saint Jean l’Évangéliste nous précise que cette Marie est celle qui a répandu sur les pieds du Seigneur un parfum précieux. La sœur de Lazare est donc bien cette courtisane qui vivait à Magdala, et qui s’est convertie au contact de Jésus.

Or Jésus est au loin dans l’une de ses tournées de prédication. Marthe et Marie lui envoient donc un message : « Celui que tu aimes est malade ! »

En cette période du Coronavirus qui cause tant de maux un peu partout dans le monde, nous pouvons nous demander si nous parlons à Jésus de nos malades. Il est important de prier pour eux, pour tous ceux qui ont contracté ce virus, mais aussi pour tout les médecins et personnels soignants qui sont exposés au contact des malades. Il est important de prendre aussi de leurs nouvelles.

Saint Jean précise que « Jésus aimait Marthe et sa sœur, Marie, ainsi que Lazare », ce qui n’empêcha pas Lazare d’attraper une grave maladie et de mourir !

Les deux sœurs ont ressenti très douloureusement l’absence de Jésus, comme nous, en ce moment nous nous sentons si impuissants devant cette pandémie.

Jésus ne se rend pas tout de suite auprès de Lazare, il ne vient que le 4ème jour après sa mort. Cela nous interroge, mais sans doute cela obéissait à une volonté divine, afin que tous puissent constater que Jésus est le Seigneur en ressuscitant Lazare.

Lorsque Jésus pénètre enfin dans Béthanie, le village de Lazare, de Marthe et de Marie,

Il trouve Marthe en pleurs qui lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »

Pourtant, Marthe continue d’avoir confiance dans le Seigneur : « Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »

Et Jésus répond.  » Ton frère ressuscitera. Moi je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. « 

Puis Marthe va prévenir sa sœur, Marie. L’Évangile nous dit : « Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. »

Cela veut dire que Jésus, le Fils de Dieu, est toujours là pour nous rencontrer nous aussi, dans notre chambre, comme dans le Saint Sacrement.

Parvenu au tombeau de Lazare, Jésus pleura, et les Juifs dirent : « Voyez comme il l’aimait. » Mais d’autres disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Ceux-là n’ont pu s’empêcher de porter un jugement sur Jésus. Avouons-le, cela nous arrive aussi à nous, en voyant tant de gens souffrir aujourd’hui, en voyant tous ces malades qu’on n’a pu soigner, de douter parfois de l’amour de Dieu, et de nous dire que si Dieu n’était pas indifférent, il n’aurait pas permis cela, et il aurait empêché la pandémie.

Mais le Seigneur nous invite à dépasser nos craintes, nos peurs, nos doutes, et de croire en Lui. Car Jésus nous a sauvé par la Croix.

« Jésus cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liées par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. »

Nous pouvons remarquer que Lazare est resté au sépulcre durant plus de 3 jours, ce n’est donc pas une réanimation, c’est une résurrection.

Puis le Christ dit : « Déliez-le et laissez-le aller. » Jésus prescrit qu’on prenne soin de Lazare, qu’on le lave, qu’on l’habille avec des vêtements propres, qu’on lui donne à manger. Mais n’y a-t-il pas aussi un autre sens, spirituel, dans ce « déliez-le et laissez-le aller. » C’est la même parole que le Ressuscité de Pâques dira à ses apôtre : « Recevez l’Esprit Saint, tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel… »

Le pardon nous libère de nos chaînes, le pardon sacramentel nous rend libre.

Ici, nous avons besoin du prêtre, dans le sacrement de la réconciliation, qui nous lave et qui, si nous sommes morts spirituellement, nous ressuscite en nous redonnant la vie de la grâce et l’amitié avec Dieu.

Alors, chers amis, prions et agissons en ces jours pour nous approcher du Christ crucifié et ressuscité qui veut nous donner une foi forte, et aussi nous donner part à sa miséricorde et à sa vie de ressuscité.

Père Christian LAGARDE

 

Message et homélie 5° dimanche de carême – Année A –Mgr Nicolas Brouwet

Frères et Sœurs,

Voici déjà le troisième dimanche sans messe. Je vous envoie mon homélie pour vous dire combien je pense à vous pendant cette période de confinement.

C’est une façon de vous assurer de ma prière, de ma solidarité avec vous, de mon amitié.

En ce moment nous faisons l’expérience d’une nouvelle manière de construire l’Eglise : davantage dans la contemplation, dans le temps passé en famille ou en communauté pour se parler, s’écouter, échanger, se divertir et prier. Nous sommes moins dans l’action, dans le déploiement d’activités et davantage dans l’accompagnement : en prenant des nouvelles des uns et des autres, en donnant de nos nouvelles, en manifestant pauvrement notre sollicitude à ceux qui sont dans la peine, dans l’angoisse.

Prenons ce temps comme un temps qui nous réapprend la valeur des petits gestes de la vie quotidienne, du temps pris pour l’autre, le temps de lire, de prier, de nous arrêter. Le Seigneur peut faire de cette période de confinement un temps de grâce pour nous personnellement, pour nos familles, pour nos communautés.

Convenons aussi que nous retrouverons avec bonheur ce qui nous semblait acquis, dû, évident et qui nous apparaît maintenant comme une grâce incomparable : la joie de nous retrouver, de nous rassembler, de prier, de chanter, de partager un repas, de pouvoir nous prendre dans les bras, nous serrer la main, nous embrasser, rire, danser… Nous nous rendons compte que nous avons besoin les uns des autres : besoin de nous voir en chair et en os, et non pas toujours derrière un écran ; besoin de nous faire confiance et de sentir la présence de l’autre sans soupçonner qu’il pourrait porter un virus ; besoin de passer du temps avec nos anciens, surtout quand ils sont en maison de retraite ; besoin d’accompagner nos proches dans la mort, d’être là, présents, avec eux, au moment des derniers instants ; besoin de pouvoir parler à un inconnu pour demander sa route ou une information ; besoin de manifester notre appartenance à un même peuple, de parler à son voisin, de travailler ensemble, de partager des rythmes de vie, des moments de fête…

Nous ne sommes pas faits pour vivre isolés les uns des autres. Demandons comme une grâce de retrouver le sens de la communauté, de la fraternité, de la recherche du bien commun, du dépassement de nos intérêts individuels.

Nous n’oublions pas les catéchumènes du diocèse qui reçoivent avec vous cette homélie. Nous les assurons de notre prière et de notre joie de les voir avancer vers le baptême.

HOMELIE

Dans la liturgie de ce 5° dimanche de carême nous écoutons et méditons le 3° évangile de Saint Jean proposé aux catéchumènes. Après l’ouverture de l’âme et de l’esprit de la Samaritaine puis l’illumination de l’aveugle-né, il y a la résurrection de Lazare, l’ami de Jésus.

Jésus déploie sa puissance de guérison et de vie sur l’humanité. Plus la blessure est profonde, plus le signe que Jésus accomplit est puissant.

Face à la fragilité de la foi de la Samaritaine, il y a l’annonce de l’eau vive qui jaillit en vie éternelle et de l’adoration en esprit et en vérité.

Face aux fausses images de Dieu et de son projet pour l’homme, Jésus guérit la cécité et remet dans la lumière de la foi.

Face à la mort qui fait son œuvre, le Seigneur relève et proclame la Résurrection d’entre les morts.

Peu à peu on se rend compte de ce que le Christ est venu sauver, guérir en profondeur. C’est ce que la Lettre aux Romains appelle l’emprise de la chair. Ce n’est pas du tout la question de la sexualité. L’emprise de la chair, c’est l’homme qui s’est détourné de Dieu, qui ne sait plus regarder vers lui et qui n’a plus comme horizon que la terre et ses pauvres forces humaines.

L’emprise de la chair, c’est l’homme qui ne sait plus recevoir Dieu et qui est fermé dans son immanence : il n’y a rien au-dessus de lui et il est sa seule référence, sa seule lumière, sa seule boussole.

Et cette immanence est son tombeau. Elle le conduit à la mort. C’est une vie sans espérance. La mort physique est le signe d’une mort plus profonde : d’une vie sans Dieu, détournée de Dieu, vécue dans les ténèbres du non-sens.

Les catéchumènes qui se tournent vers le Christ en sont souvent les témoins. S’ils veulent accueillir le salut, c’est parce qu’ils ont le sentiment d’une impasse ou d’une insuffisance ou d’un horizon bouché ; et, finalement, d’un enfermement. « Une vie sans but » écrit Saint Pierre (1 P 1, 18). Les témoignages qu’ils apportent de leur conversion au Seigneur sont toujours différents, toujours uniques. Mais au départ il y a toujours une recherche, une insatisfaction, un appel qui vient du plus profond d’eux-mêmes. Comme une maladie de l’âme qui leur fait désirer autre chose, qui leur fait ressentir le besoin de fonder leur vie autrement. Comme une insuffisance qui les fait étouffer, comme on parle d’une insuffisance respiratoire.

Cette maladie, c’est précisément l’état de Lazare. Jésus n’accourt pas comme tout le monde pensait qu’il le ferait, comme Marthe et Marie l’espéraient. Il laisse cette maladie faire son œuvre jusqu’à la mort pour, dit-il, qu’à travers elle le Fils de Dieu soit glorifié. Il veut manifester, quelques jours avant sa Passion, la puissance de Dieu sur la mort.

Les maladies de l’âme peuvent, peu à peu, nous conduire au tombeau si elles ne sont pas traitées, si on ne laisse pas le Seigneur y faire son travail de lumière, de guérison, d’évangélisation. C’est ce que Jésus a fait, face à la désespérance et à la culpabilité de la Samaritaine. C’est ce qu’il tente de faire, face aux fausses images de Dieu entretenues par les disciples (« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ») et à l’aveuglement des pharisiens.

Ce n’est pas ici le lieu de décrire les maladies de l’âme sous l’emprise de la chair. Saint Jean, dans sa Première Lettre, évoque la convoitise de la chair (la sensualité), la convoitise des yeux (la séduction des apparences), l’orgueil de la richesse (la possession des biens). Avec Evagre le Pontique (fin 4° siècle) ou Jean Cassien (fin 4° – début 5° siècle) les premiers moines ont distingué les grandes racines des maladies de l’âme tentant d’échapper à Dieu : la gourmandise, la fornication, l’avarice, la tristesse, la colère, l’acédie, la vaine gloire, l’orgueil.

Jésus, en n’intervenant pas immédiatement, montre la logique implacable de la mort et de ce qu’elle sème comme putréfaction, décomposition, odeurs, liens, ténèbres. Tout ce que le tombeau fermé veut cacher, ensevelir, oublier. Personne ne désire ouvrir ce tombeau où sont concentrés tous les échecs de l’humanité plongée dans l’impasse d’une vie sans Dieu.

L’humanité se tient là, devant ce tombeau, signe de son impuissance face à la mort et à ce qui y conduit. Elle referme tout sous une lourde pierre et pleure. Elle ne peut que constater son échec et l’ampleur de sa perte, de son incapacité à retrouver des chemins de vie.

C’est dans ce drame, celui des pleurs, de la révolte, du deuil, de l’incompréhension, de l’odeur de mort que Jésus arrive et annonce la libération : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. »

C’est au cœur de nos drames personnels, de nos échecs, de nos doutes, de nos fautes que Jésus redit cela et nous invite à confesse sa victoire sur la mort : « Crois-tu cela ? ».

On peut être surpris par les reproches de Marthe et de Marie faits à Jésus. Comme s’il avait manqué d’empathie, comme s’il avait été négligent (« Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort » ). Il est vrai que, lorsque nous sommes plongés dans l’épreuve, tout semble se rétrécir. Comme s’il n’y avait plus d’horizon, plus d’espérance, plus d’amitié qui tienne. C’est comme un tombeau. Nous sommes prisonniers des liens, sans lumière, sans mouvement, sans vie devant ce que nous avons perdu, ce qui s’est écroulé dans notre existence, ce qui nous a blessé, meurtri.

C’est là que le Seigneur nous rejoint. Il n’a pas évité ce drame comme nous l’aurions souhaité. Et il nous dit : « Moi je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? » Et si nous consentons, il nous dit : « Viens dehors ! ». Il ouvre notre tombeau, dénoue les bandelettes et nous laisse aller.

Quand Jésus affirme à ses disciples que la maladie de Lazare est « pour la gloire de Dieu, afin que, par elle, le Fils de Dieu soit glorifié », c’est parce qu’il sait que sa mort est décidée, programmée, en conclusion du vaste procès intenté contre lui ; et que la résurrection de Lazare en sera l’ultime déclencheur.

Nous voici à quelques jours des Rameaux et de la Semaine Sainte. Jésus ne fera pas qu’ouvrir un tombeau où son ami repose. Il s’y fera enfermer pour affronter la mort et sortir vainqueur de ce combat. C’est lui qui ouvrira définitivement la porte du sépulcre pour entraîner l’humanité dans sa victoire, la défaire de ses bandelettes, de ses liens qui la retiennent prisonnière en elle-même, et l’envoyer au dehors, annoncer que la mort est vaincue.

Nous portons encore aujourd’hui les catéchumènes dans notre prière, en particulier ceux du diocèse. Leur baptême ne pourra pas avoir lieu à Pâques en raison du confinement. Mais nous prions pour qu’ils laissent le Seigneur les visiter, les habiter, les illuminer tout au long de ce carême. Pour qu’ils osent ouvrir toutes les portes encore fermées au Christ vainqueur.

L’Evangile nous rejoint aussi dans notre actualité alors que beaucoup de personnes âgées, dans les Ephad, ne peuvent recevoir de visites. Nous demandons pour eux une grâce de consolation, d’espérance. Nous prions aussi pour les familles qui ne peuvent accompagner leurs proches en fin de vie, pour les familles qui ne peuvent se rassembler pour les obsèques de leurs parents ou de leurs amis. Ne les oublions pas ! C’est une peine qui s’ajoute à l’épreuve de la mort. Que le Seigneur les console et les fortifie. Demandons-lui de savoir prendre les initiatives qui conviendront à la fin du confinement pour manifester notre soutien, notre prière, notre espérance dans la vie éternelle !

+ Nicolas Brouwet

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